[experts] Pourquoi les ETF à effet de levier sont une stratégie efficace et rationnel

:light_bulb: Pourquoi les ETF à effet de levier ne sont pas une folie, mais un investissement rationnel et efficient

Les ETF à effet de levier souffrent d’une réputation injuste.
On les associe souvent à la spéculation court terme ou au risque excessif.
Pourtant, lorsqu’on les analyse à travers la théorie du CAPM, ils incarnent au contraire
un investissement long terme, rationnel et potentiellement sur-efficient
à condition d’en comprendre les mécaniques.


:warning: La problématique : le bêta-slippage… et le taux implicite qui le compense

Les ETF à effet de levier ont effectivement un défaut :
leur rééquilibrage quotidien crée un bêta-slippage,
c’est-à-dire une perte de performance liée à la volatilité.

Mais cette perte — quantifiable et bornée
est souvent compensée (voire sur-compensée) par un coût du crédit implicite extrêmement bas,
bien inférieur à ce qu’un investisseur particulier pourrait obtenir avec un prêt classique.


:triangular_ruler: :one: Le cadre théorique : CAPM et droite du marché (SML)

Le CAPM (Capital Asset Pricing Model) explique la relation entre le risque et le rendement :

E[Ri]=Rf+βi⋅(E[Rm]−Rf)E[R_i] = R_f + \beta_i \cdot (E[R_m] - R_f)E[Ri​]=Rf​+βi​⋅(E[Rm​]−Rf​)

où :

  • E[Ri]E[R_i]E[Ri​] : rendement attendu de l’actif,
  • RfR_fRf​ : taux sans risque,
  • E[Rm]E[R_m]E[Rm​] : rendement attendu du marché,
  • βi\beta_iβi​ : exposition au risque systématique (marché).

Le CAPM implique qu’il existe une droite unique d’équilibre, la Security Market Line (SML),
sur laquelle tous les portefeuilles efficients se situent.

:backhand_index_pointing_right: Pour se déplacer sur cette droite, on ne change pas la composition du portefeuille,
on ajuste le levier :
plus de levier → rendement espéré supérieur,
sans dégradation du ratio de Sharpe.

Ainsi, utiliser du levier n’est pas de la spéculation,
c’est appliquer le CAPM de manière rationnelle :
augmenter le risque pour augmenter proportionnellement le rendement attendu.


:high_voltage: :two: Le bêta-slippage : le coût du rééquilibrage quotidien

Le bêta-slippage provient de la convexité :
l’ETF à levier x2 réplique la performance quotidienne du sous-jacent,
et la composition des rendements crée une perte mathématique proportionnelle à la volatilité :

Slippage=12L(L−1)σ2\text{Slippage} = \tfrac{1}{2} L (L - 1) \sigma^2Slippage=21​L(L−1)σ2

Pour un ETF x2 sur un marché type MSCI World (σ=13%σ = 13 %σ=13%) :

Slippage=0,5×2×1×0,132=1,69%/an\text{Slippage} = 0{,}5 \times 2 \times 1 \times 0{,}13^2 = 1{,}69%/anSlippage=0,5×2×1×0,132=1,69%/an

:right_arrow: Ce coût est prévisible, stable, et borne la perte annuelle moyenne due à la volatilité.


:money_bag: :three: Le coût implicite du crédit : bien en dessous du risk-free

Prenons un ETF World classique (frais f1=0,20%f_1 = 0{,}20%f1​=0,20%)
et son équivalent x2 (frais f2=0,60%f_2 = 0{,}60%f2​=0,60%).

Le taux d’intérêt implicite correspondant au financement du levier est :

rimplicite=f2−f1dette/actif totalr_{\text{implicite}} = \frac{f_2 - f_1}{\text{dette}/\text{actif total}}rimplicite​=dette/actif totalf2​−f1​​

Dans un levier x2, la dette = 50 % de l’actif :

rimplicite=(0,60−0,20)/0,5=0,8%/anr_{\text{implicite}} = (0{,}60 - 0{,}20) / 0{,}5 = 0{,}8%/anrimplicite​=(0,60−0,20)/0,5=0,8%/an

:backhand_index_pointing_right: Autrement dit, le gérant emprunte à 0,8 %,
alors que :

  • le taux sans risque est ≈ 3 %,
  • un crédit conso coûte ≈ 2–3 %,
  • et un levier personnel coûterait bien plus après impôts.

:right_arrow: Ce coût implicite est inférieur au risk-free,
ce qui, au sens du CAPM, crée un alpha mécanique positif.

Le coût total du levier devient :

Couˆt total=rimplicite+Slippage=0,8%+1,69%=2,49%\text{Coût total} = r_{\text{implicite}} + \text{Slippage} = 0{,}8% + 1{,}69% = 2{,}49%Couˆt total=rimplicite​+Slippage=0,8%+1,69%=2,49%

Et tant que :

Couˆt total<Rf\text{Coût total} < R_fCouˆt total<Rf​

le levier reste efficace au sens du ratio de Sharpe.


:bar_chart: :four: Conséquence : un levier qui améliore le ratio de Sharpe

Sans levier :

E[Rm]=8%, σ=13%⇒Sharpem=(8−3)/13=0,385E[R_m] = 8%, ; σ = 13% \Rightarrow \text{Sharpe}_m = (8 - 3)/13 = 0{,}385E[Rm​]=8%,σ=13%⇒Sharpem​=(8−3)/13=0,385

Avec levier x2 :

E[RL]=16−1,69−0,8=13,51%, σL=26%E[R_L] = 16 - 1{,}69 - 0{,}8 = 13{,}51%, ; σ_L = 26%E[RL​]=16−1,69−0,8=13,51%,σL​=26% SharpeL=(13,51−3)/26=0,405\text{Sharpe}_L = (13{,}51 - 3)/26 = 0{,}405SharpeL​=(13,51−3)/26=0,405

:white_check_mark: Le ratio de Sharpe augmente légèrement → rendement ajusté du risque supérieur,
tant que la volatilité reste modérée (≤ 15 %).


:brain: :five: Conclusion : un levier rationnel, pas spéculatif

Les ETF à effet de levier ne sont pas des produits de casino.
Ce sont des outils permettant d’appliquer la théorie financière la plus fondamentale :
le risque doit être rémunéré, et le levier en optimise la rémunération.

Pour un investisseur :

  • jeune,
  • long terme,
  • rationnel,

un ETF x2 représente une solution efficiente pour augmenter son exposition sans dégrader son profil de risque ajusté.


:fire: Et c’est là que beaucoup se trompent

La plupart des vulgarisateurs — y compris les Youtubers finance les plus suivis, ou Mounir Laggoune et d’autres créateurs sérieux — déconseillent ces produits au nom d’un risque mal compris.
Ils parlent n’évoque que le beta slippage et son effet négatif et sans le quantifier.

C’est faux, du moins incomplet.

Le bêta-slippage existe, mais il est mathématiquement borné et compensé par un coût d’emprunt implicite bien inférieur au taux sans risque.
:backhand_index_pointing_right: Autrement dit, le rendement espéré net reste supérieur, pour un ratio de Sharpe équivalent voire meilleur.


:puzzle_piece: Ce que devraient faire les investisseurs vraiment rationnels

Les investisseurs rationnels — et je crois que beaucoup sur ce forum le sont —
devraient s’intéresser de près à ces ETF à effet de levier,
dans la limite :

  • d’une diversification prudente,
  • d’un levier modéré (x2 maximum),
  • et des contraintes d’éligibilité PEA.

Cela permet de rester sur la droite du marché définie par le CAPM,
mais plus haut : même efficacité, rendement supérieur.


:warning: En revanche…

Au-delà de x2 (x3, x4, x5), le bêta-slippage croît quadratiquement :

Slippage∝L(L−1)\text{Slippage} \propto L(L-1)Slippage∝L(L−1)

Il devient alors nettement supérieur au gain de coût implicite,
rendant ces produits inefficaces et purement spéculatifs.


:bullseye: En résumé

  • Le CAPM enseigne que le levier n’est pas un excès de risque, mais un ajustement rationnel du rendement.
  • Le bêta-slippage existe, mais reste mesurable et compensable.
  • Le coût implicite de la dette (≈ 0,8 %) est inférieur au risk-free (≈ 3 %).
  • Le ratio de Sharpe est identique, voire légèrement supérieur.
  • Et les ETF x2 sont des outils cohérents pour les profils jeunes, long terme, rationnels.
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Super intéressant, merci !
Par curiosité quelle est ta source?

En vrai les ETF à levier permettent de faire du levier facilement (sinon très difficile pour un particulier)
Donc, l’ETF à levier n’est pas une mauvaise chose en soi, si le couple rendement risque offert est en ligne avec ta tolérance au risque

Non je pense que c’est pas comme ça. Le taux devrait être supérieur au risk free et le sharpe moindre par rapport à un ETF sans levier

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Non : si tu lis les KID , tu t’apercevras qu’aucun limite d’age n’est mentionnée…
Ensuite le leverage c’est certainement pas destiné au Buy & Hold , donc en long terme
Le leverage donne sa pleine mesure en bear market , mais le plus dur est de sortir apres la phase de hausse , mais ca revient à tenter de timer le marché , donc le leverage est un outil à double tranchant…

Hello,
Merci pour le partage - d’ailleurs Amundi est en train de lancer un ETF World x2 éligible PEA pour ceux que ça intéresse.

Je rejoins le point sur la tolérance au risque, il ne faut pas raisonner uniquement en ratio de Sharpe (sinon on ferait tous 100% BTC) mais aussi en volatilité totale et max drawdown qu’on est prêt à supporter.

Un des intérêts du levier, c’est aussi de permettre de libérer du cash pour mieux diversifier sur d’autres actifs. Par exemple si j’ai 100K de capital et que je souhaite une exposition 60% actions 40% obligations :

  • sans levier je mets 60K en ETF et 40K en obligations
  • grâce au levier, je peux mettre 40K en ETF x2 et 60K en obligations = je profite davantage des perfs des 2 actifs tout en ayant la même exposition 80% / 60% équivalent à mon 60/40.
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Non même pour un particulier cela devient très facile. Exemple si tu as un CTO chez Bourse Direct les certificats Lev ou Short de Morgan Stanley sont même à 0€ de frais de courtage, sur plein d’indices ou d’actions. Mais il faut savoir où on met les pieds car les leviers vont de 2 à 15 !

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Quoi qu’en disent les stats, peu de gens auraient survécu avec du levier à la période 2000-2015

Rentrer après une grosse baisse et des valorisations faibles comme récemment après la baisse de 2022 par exemple, ça ça se défend en terme de rendement/risque

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En gros si on voit surgir une très grosse correction type 2022 ou Covid ou autre, il est intéressant de prendre une position satellite sur un X2 Lev Nasdaq par exemple, profiter de la remontée et vendre pour réallouer sur le X1 normal à la suite. Sur le papier c’est super, mais pour la mise en place c’est chaud… C’est toujours évident quand on regarde dans le rétroviseur mais quand on a la tête dans le guidon… c’est jamais la même.

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Les cours que j’ai suivi sur la théorie CAPM et des recherches sur internet pour trouver la formule permettant de déduire le taux d’interet implicite d’un ETF à effet de levier.
Ensuite j’ai repris les paramètres du marché pour faire tourner les formules (Volatilité et rendement historique du MSCI world, et estimation du Risk Free).
Et, sauf erreur dans les calculs, on arrive bien la conclusion que les ETF à effet de leviers x2 sur des ETF diversifiés ne degrade pas voir ameliore le ratio de Sharpe

Non justement..
Le formule pour calculer le taux implicite d’un ETF à effet de levier est : [(Frais ETF x2) - (Frais ETF)] / [Dette/ Actif Total], soit pour le MSCI World : [0,6% - 0,2%] / [1/2] = 0,8%.
Ce qui est bien inferieur au Risk Free Rate.
Ce qui peut apparaitre comme une anomalie n’en est pas une car :

  1. Il s’agit d’un financement interbancaire et non grand public
  2. Il s’agit d’un levier synthetique via des SWAP et dérivés et non réel
  3. Collatérisation totale : Les banques preneuses de position n’ont aucun risque de défaut sur l’ETF, car tout est collatéralisé chaque jour.→ Pas de prime de risque inclu dans le taux → taux très bas.
  4. Pouvoir de négociation institutionnel → Amundi, Lyxor, ou BlackRock lèvent des volumes énormes et négocient des conditions de financement interbancaires préférentielles, impossibles à obtenir individuellement.

C’est 4 raisons parmis d’autres, explique le taux sur les ETF à effet de levier inférieur au Risk Free Rate.

  1. Ce n’est pas le role des KID de donner des limites d’age ;). les KID mentionnent un niveau de risque sans bien le quantifier (uniquement une echelle de 1 à 7) mais sans aucune notion d’un couple rendement/risque.

  2. Ce que tu décris comme utilisation en bear market reviens à essayer de timer le marché → spéculation. ca revient à dire que l’ETF x2 marche… quand ca marche. Pas très utile comme conseil.

  3. Le « double tranchant » comme tu l’appelles, c’est justement ce que le CAPM permet de quantifier (le surplus de risque et de couts engendré par le levier est il compensé par un surplus de rendement ?) → Et la réponsé est plutot oui quand on fait tourner les chiffres.

Je suis très sceptique sur le calcul…
Il faudrait voir si les intérêts sont inclus dans le 0,6%

Si c’était effectivement comme ça on pourrait générer un profit sans aucune prise de risque (on emprunte à un taux inférieur au risk free pour investir dans des actifs risk free à levier), ce qui me paraît pas très logique

Merci pour la réponse.

  1. Justement le ratio de Sharpe prend en compte la volatilité [(Rendement Actif - Rendement RF) / Volatilité Actif]

  2. Pour ce qui est du drawdown je suis d’accord. C’est pour ca que je maintiens que les ETF à effet de leviers sont des outils rationnels et efficaces, mais pas forcement qui faut y investir plus que ce qu’on peut se permettre dessus :wink: . Le potentiel drawdown doit être mis mis en perspective des capacités de chacun : chacun est libre de (et devrait) fixer le risque maximum qu’il peut encaisser, mais cela n’empeche en rien le fait que l’ETF à effet de levier peut avoir un ratio de sharpe supérieur qu’un meme ETF sans levier

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Avec des emojis partout et du latex dans tous les sens, on subodore un chatgpt avec bon petit prompt qui va bien : « Fais un récapitulatif sur les LETF pour les débutants. Make no mistakes » :heart_eyes:

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  1. Tu peux effectivement vérifier les chiffres en comparant les frais d’un ETF sans levier et du meme ETF avec un x2 (ex: MSCI World, S&P500, Euro Stoxx, etc…)

  2. Théoriquement oui mais il n’existe pas d’actif risk free leveraged. On est donc obligé de s’exposer à un risque. Mais on peut le limiter en le diversifiant au maximum (et donc reduire la volatilité au max pour repasser au dessus de la droite SML)

J’ai la même compréhension qu’ @angeloS, le coût d’emprunt n’est pas inclus dans les frais de l’etf, mais retranché de la performance.
Ca n’invalide pas pour autant la stratégie, mais il faut quand même se poser la question du niveau des taux d’intérêt au moment où on entre sur un letf.

Même dans les réponses… L’usage de listes à chaque fois et le fait de mettre en gras certains mots ne seraient pas suspects de base mais avec le post initial… Autant aller discuter directement avec chatgpt.

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ah oui ! Vous avez raison @Equinox et @AngeloS
J’étais effectivement partie du principe que les couts de financement étaient dans le TER (Total Expense Ratio) et donc le 0,6%. Mais je en relisant les DIC amundi precise en petit que la performance est « minorés des coûts d’emprunt » mais ne le chiffre pas dans le TER.
Du coup la formule initiale n’est plus pertinente : [(Frais ETF x2) - (Frais ETF)] / [Dette/ Actif Total]
et sauf nouvelle erreur de ma part il faudrait utiliser : Taux implicite = Levier * Rendement ETF - Rendement LETF - Slippage - (Frais LETF - Frais ETF).
En refaisant les calculs, sur le MSCI world je retrouve : Taux implicite = 0,9%.
Qui viennent se rajouter aux (0,6-0,2) = 0,4% de frais premium pour les LETF.

Donc, ca nuance ma conclusion sur la surperformance des LETF vis à vis du ratio de sharpe.
On est plutot sur un ratio de sharpe constant (légèrement surperformant (MSCI Worlds) ou sous performant (S&P500) en fonction de la volatilité du sous-jacent).
Les LETF restent donc utiles pour se positionner au niveau rendement/risque souhaité meme avec un Beta Slippage, mais pas une strategie mecaniquement « dominante » au sens CAPM.

Bien vu et Merci !

OK, merci pour le DIC, je n’avais pas eu le temps de le regarder.
Une autre notion que j’ai du mal à comprendre est celle du Sharpe ratio supérieur dans certains cas : si on emprunte à un taux supérieur au risk-free, la SML s’arrête au portefeuille tangent et ne se prolonge pas. Il faut alors tracer une autre droite (x = 0, y = rF + spread), qui va toucher un autre point sur la frontière efficiente, avec un rapport rendement / risque inférieur à celui de la SML

Edit:


Dans un graphe où x = volatilité et y = espérance de rendement, le sharpe est égal à la pente de la droite qui part du point x=0 et y = risk-free. Le ratio de sharpe pour un portefeuille avec levier sera moins élevé que celui sur un portefeuille sans levier

Merci pour le graph @AngeloS.

Si je détaille ce que je veux dire par « Sharpe ratio supérieur dans certains cas » je veux dire que tant que le cout de financement du LETF est inférieur au Risk Free au point de compenser le Beta slipage c’est le cas, sinon non.
En terme d’équation ca veut dire que j’ameliore le sharpe si :
Taux implicite LETF + Frais premium LETF + Slipage < Risk Free
~0,9% de taux implicite + 0,4 Frais premium des LETF + 1,6% de slipage pour le MSCI world x2 (Vol. = 13%) = 2,9%.
Je suis bien en dessous du Risk Free actuel ~3%.

Sur le graphique cela donne :

Bien évidemment, mes paramètres évoluent directement suivant les frais et la volatilité de l’actif sous jacent, et peuvent amener à un levier non efficace d’un point de vue du CAPM.
Mais l’idée globale c’est de dire que les LETF ne sont pas forcement sub-optimal à long terme. Ils sont globalement cohérents avec une stratégie CAPM voir peuvent même être surperformant si les frais et financement sont avantageux.