Gérer une impasse familiale en entreprise : que feriez-vous à ma place?

Bonjour à tous,

Je me tourne vers la communauté car je suis à un moment charnière de ma vie pro, et j’aimerais recueillir l’avis de personnes qui ont peut-être vécu des situations similaires, ou qui ont le recul nécessaire pour m’aider à y voir plus clair.

Nous avons une entreprise familiale dans la logistique avec mes deux frères et mes parents. Voici la répartition des parts :

Moi : 30 %
Frère 1 : 30 %
Frère 2 : 30 %
Parents : 10 %

Historique :

Frère 1 gère le Service A depuis plus de 20 ans.
Frère 2 a lancé le Service B il y a 20 ans, mais a quitté la société 3 ans après pour créer une autre structure. Sauf que… il n’a jamais vraiment quitté. Il continue de toucher son salaire, sans rien faire depuis des années.
Je suis arrivé il y a 17 ans pour reprendre et développer le Service B. Aujourd’hui, ce service représente 80 % du chiffre d’affaires et 100 % des bénéfices de l’entreprise.

Problèmes :

  • Le Service A est déficitaire depuis 3–4 ans, sans réelle perspective d’amélioration.
  • Le Service B couvre donc ses pertes.
  • Je travaille à 200 %, pendant que mes deux frères touchent des salaires à ne rien faire ou presque.
  • On m’a longtemps dit qu’on avait besoin du diplôme de mon frère 2 pour faire le métier que j’exercais. Aujourd’hui, je suis en train de le valider via une VAE. Et entre temps, mon frère 1 l’a eu par équivalence. Bref, plus d’excuse.
    Je suis épuisé. La situation pourrit les relations familiales, je n’ai plus de lien sain avec mes frères.

Réflexions actuelles :

  • J’ai évoqué l’idée de scinder l’entreprise en deux structures (Service A et B), mais cela signerait probablement la mort du Service A. Je crains qu’on me le reproche.
  • Une autre option serait de tout quitter et créer ma propre boîte, seul ou avec d’autres associés.
  • Mais j’ai aussi 30 % des parts, donc pas simple de tout balancer…

Je suis perdu, en colère, et fatigué d’entretenir cette situation injuste.
Je cherche des retours d’expérience, des idées d’approche, peut-être même des angles juridiques à explorer.

Que feriez-vous à ma place ?
Merci à tous ceux qui prendront le temps de lire et de partager leur point de vue :folded_hands:

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Bonjour,

Je n’ai pas vécu votre situation personnellement mais rencontré avec pas mal de clients.

Il faudrait regarder à part le CA et le bénéfice engendré, tous les actifs dans la société (investissements, liquidités, etc).

Voir s’il est possible de revendre vos parts avec la valorisation de ces actifs en balance et de repartir sur une nouvelle boite que vous possédez à 100%

Pour la partie CA et bénéfice, vu qu’elle est liée directement à votre service, vous ne récupérez que 30% des fruits de votre travail. donc je ne tenterais même pas de valoriser cela. Le temps perdu consacré à cela sera vite rattrapé dans une boite où vous détiendrez 100% et profiterez de 100% des fruits de votre travail.

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Ne jamais mélanger famille, sentiments et argent, immobilier : Jamais !

C’est réglé n’a aucune dérogation, au mieux vous dégradé votre environnement familial au pire vous vous épuisé pour rien.

Je n’avais pas pensé au fait de revendre les parts de la société pour monter une nouvelle structure. Car pour monter la nouvelle structure , je vais clairement avoir besoin de capital pour gérer la trésorerie car nous utilisons beaucoup de sous-traitance. Et dans ce cas précis , il faut passer par un organisme particulier (Commissaire aux apports ? ) pour faire évaluer le montant de ses propres parts ? Il y a une information importante ici , ma société possède également 50% d’une autre société qui est bien plus grande et + lucrative que la société initiale donc potentiellement cela sera inclus dans la valeur des parts ?

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Facile à dire…

Est-ce que tu ne peux pas stoper la rémunération mensuel du « frère pirate » ?

Je connais un peu la même situation que toi. Société créé en 2008 :

  • moi : 25%
  • soeur : 25%
  • parents : 50%

Passé 2/3 ans d’activité (vers 2011 par là), je suis le seul à m’investir au quotidien (énormément). J’ai alors anticipé et j’ai racheté partiellement (au moment ou ça valait peu) la nu propriété des parts de mes parents et, également, 15% en direct. C’était ma condition pour maintenir mon investissement. Cela fait aujourd’hui :

  • moi : 40% en proprité total + 35% en nu propriété,
  • soeur : 25% en propriété total,
  • parents : 35% en usufruit.

La ou je te comprends, c’est que techniquement ma soeur développe son patrimoine sur mon dos… mais c’est le jeu des actionnaires, c’est comme ça. Outre que ce n’est pas juste, c’est légalement normal. J’ai appris à vivre avec tant qu’elle ne vient pas s’immiscer dans mon quotidien ou critiquer mes choix.

Par contre, qu’il touche un salaire sans participer me semble immoral à grand minima. Ce ne serait pas déjà un soulagement de couper cette partie la ?

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Merci pour ton retour. C’est totalement immoral … J’ai déjà tenté d’aborder le sujet il y a maintenant 3/4 ans et cela a conduit à un clash monumental et j’ai en face de moi une personne bornée qui s’agrippe à sa position et qui estime que si le service B existe c’est grace à lui , etc et je n’ai pas vraiment de recours à ce niveau là. Et visiblement cela ne le gêne pas de toucher un salaire et à la fois les dividendes qui proviennent des fruits de mon travail dans une société où ils n’apportent plus rien. Pour les dividendes à la limite je peux le comprendre , c’est le jeu de l’actionnariat. Couper cette partie serait une première étape mais je resterai toujours dans une dynamique ou j’aurai l’impression d’avancer en tirant 2 boulets. D’où l’idée de vraiment me séparer totalement de mes 2 frères pour que chacun avance de son coté en fonction du travail fourni mais je ne sais pas comment aborder la chose et la structurer.

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Non seulement immoral mais aussi évidemment totalement illégal, c’est un abus de bien social caractérisé s’il n’y a aucune activité traçable sous jacente.
Aucun jugement, pour toi @TakedaShingen j’ai eu le même genre de problème. Es tu bien entouré niveau avocat ? ça pourrait valoir le coup d’en mettre un sur le coup pour faire évaluer le risque et qu’il en fasse une presentation circonstanciée aux autres actionnaires.

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Merci pour le retour. Qui est responsable en cas d’abus de bien social ? Le gérant ? Justement je n’avais pas songé à prendre un avocat pour me faire conseiller sur le sujet. J’imagine que ce serait un avocat en droits des sociétés ?
Mais une fois de plus , m’engager sur ce chemin signe la fin de l’entente familiale :sweat_smile: mais en même temps la méthode en douceur ne fonctionne pas et c’est toujours moi qui me retrouve lésé.

Pour ne pas tout perdre pour toi, vends leur tes parts a 75-80% de leurs valeurs. Tes frères vont se dire on va se partager son salaire sans rien faire. Toi tu quittes le navire et tu montes un autre business. La boîte se casse la gueule, toi tu as sauvé les meubles. Ils ne peuvent pas te le reprocher, car tu as quitté la structure, ce sont eux qui seront responsable…
Je me doute que ça doit être plus compliqué que ça mais tu ne peux pas porter tout le monde comme ça.
Sois fort.
Yvain

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Donc vous préférez encore vous sacrifier pour le reste de la famille ?

De ce que je comprends vous avez l’ascendant, vous pouvez discuter de l’équilibre, sans pour autant tomber dans l’exacte opposé. Le monde n’est pas binaire, et les liens familiaux sont importants. Par contre oui il faut se préparer, tant sur le plan juridique que psychologique (votre famille à l’air d’utiliser fortement ce levier), pour estimer le plus « justement » (c’est là la difficulté) la valeur du lien familiale et des apports (anciens & actuels) de vos frères.

L’exemple de @Simon271 est pas mal.

C’est pour ca que je suis partagé :sweat_smile: J’ai au fond de moi l’envie de tout envoyer balader « gentiment » et gérer mes propres affaires et ne dépendre de personne si ce n’est de moi même et ne plus avoir de liens pro avec mes frères. Cela ne pourrait qu’assainir la situation . Mais en même temps je pense que rester dans la situation actuelle est confortable financièrement à l’instant T mais lourde psychologiquement mais cela n’est valable tant que la société va bien , ce qui dépend à 100% de mes résultats …

Sinon pour répondre à ta question de départ, je vais partager mon expérience en bien des points analogue.

J’ai hérité des sociétés familiales avec mon frère et ma mère, tant que la société principale (A) se portait bien pas trop de problèmes, même si c’est moi qui portait la grande majorité de l’activité opérationnelle de direction de A, et que évidemment ça générait un peu de frustration et mon frère l’autre activité (B), beaucoup plus petite comme toi, qui proposait des services aux entreprises (dont la nôtre), l’activité était tout juste à l’équilibre mais dans un métier structurellement sur le déclin (je pense que le marché a été divisé par 5 ou 6 depuis le début des 00s), la plupart des acteurs historiques ayant été liquidés (encore un le mois dernier).

Sans détailler plus que ça, tu comprendras qu’en gros, A soutenait B, un peu trop à mon goût, en gros en faisant appel à celle-ci pour des services surdimensionnés par rapport à nos besoins réels.

Le problème c’est que nous avons un retournement économique sur la société A qui m’a obligé à tout challenger : changement du modèle économique, vente d’actifs non stratégique, plusieurs licenciements économiques et départs volontaires, pour le dire vulgairement c’était vraiment la merde… tout sauf B bien évidemment.
Or toute la valeur « business » est sur A, donc on ne devait surtout pas la lâcher et j’estimais avoir un plan relativement solide pour la redresser qui impliquait de fermer B.
Et évidemment malgré contexte, la petite société B continuait à être un peu artificiellement soutenue car… c’est le pré-carré de mon frère.

Au final, j’ai fini par convaincre mon frère de fermer B, non sans difficultés en lui proposant tout simplement de racheter la totalité de ses parts (edit : ses parts dans A) à un prix de marché. Je précise car oui « simplement » mais après des mois, et des mois et des mois de discussions et de tensions.

Inutile de préciser que ce furent 3 ans extrêmement difficiles à vivre, des tensions très fortes entre ma famille et moi (ma mère jouant l’arbritre en mode famille plus qu’en mode business, « il faut que tu l’aides » « tu es mal accompagnés » « j’aime pas X ou Y du top management chez A » « de toutes façons A est foutue »), dont les effets collatéraux sur la relation familiales sont toujours visibles aujourd’hui 5 ans après.

Je précise aussi que ce fut extrêmement difficile à vivre d’un point vu personnel : j’ai pris 20kg, rupture amoureuse, je me suis mis à fumer (tabac et cannabis), franchement j’étais limit burn-out et dépression… j’ai fini par me faire accompagner (psy) et sincèrement si tu ne l’es pas aujourd’hui, je ne pourrais que te le recommander car ça m’a beaucoup aidé. Et heureusement, j’avais le soutien de mes équipes.

En dehors de l’aspect psy, tu a à mon avis 2 options car je ne pense que tu puisses :

  • racheter
  • partir

A mon avis, vu ton passif, la première est sûrement la plus juste mais elle sera très difficile, notamment pour tout le travail de conviction auprès de tes actionnaires, il faut que tu te fasses des alliés parmi eux.
Et essaye de te structurer en conseils : avocats, faire faire un audit par un cabinet de conseil… cela permettra d’avoir la vision de tiers hors famille, ils sont parfois plus entendus que les insiders - j’ai personnellement été très soutenu par notre expert comptable, nos avocats corporates et nos CAC, à postériori je pense qu’ils ont un rôle absolument clef et que sans eux, A sera aujourd’hui au tapis. Essaye de t’assurer du soutien de tes équipes aussi car tu vas en avoir besoin.
Exfiltrer des actionnaires c’est très politique et compliqué, et tu vas devoir faire quelques coups bas qui ne seront pas facile à avaler d’un point « éthique familiale », malheureusement pas le choix.

Après d’un point de vu pratique, si ton activité est vraiment solide, tu pourras normalement sans trop de problème faire financer ton acquisition par des banques ou des fonds (MBO/LBO), il pourrait par exemple financer à travers ta holding. Si ce n’est pas déjà fait, tu devrais justement créer ta propre holding.

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J’ai l’impression que l’entente familiale ce n’est déjà pas trop ça non ?
Tu verras dans ce que j’ai écris au dessus… on se met des œillères jusqu’à ce que ça aille dans le mur.
Oui un avocat corporate, vous n’en avez pas un déjà ? Comme je le mets dans mon autre message, les tiers sont souvent plus écoutés que nous, notamment ceux qui ont certaine autorité via leurs expériences / compétences.

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Bon et pour ceux qui veulent la fin de l’histoire.
On a fini par fermer B, j’ai racheté toutes les parts et suis seul maître de mon destin, la boite fait aujourd’hui +15% /an, le CA a triplé depuis 2020 et nous sommes confortablement rentables.

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Merci pour ce précieux témoignage :slight_smile: Je ne peux pas dire que cela fasse plaisir à attendre car on ne souhaite cela à personne mais c’est rassurant dans le sens où on se sent moins seul à vivre ce genre de situation. Et surtout cela permet d’avoir une vision sur ce qu’il peut se passer ailleurs car clairement on ne va pas parler de ca avec le concurrent du coin.

Concernant le soutien de mon équipe je l’ai , à travers de nombreuses discussions , mon bras droit (qui est avec moi depuis 10 ans) m’a clairement comprendre qu’il n’était pas marié ni à la société , ni à notre domaine d’activité mais bien à moi. Ce qui fait extrêmement du bien à entendre.
D’autres salariés m’ont également posé des questions du type :"Mais pourquoi ce n’est pas toi le gérant ? " ce qui ne fait qu’alimenter ma frustration …

Je me retrouve dans une situation un peu similaire , nous sommes dans un secteur d’activité clairement en déclin mais en se bougeant un minimum et en se réinventant il y a encore de la place pour de belles années , les résultats en sont la preuve.

Concernant tout ce que tu dis , c’est pour cela que j’envisage plutôt l’option « Partir » afin de partir « les fesses propres » et les laisser gérer la situation que mes 2 frères ont eux mêmes crées … Mais cela implique un gros gros risque financier pour moi aussi. Je me dit que si j’arrive à garder 50% de mes clients actuels ce sera gagné et dans notre secteur , les clients ne sont pas attachés à une société mais aux personnes avec qui ils traitent.

Je prends note du conseil pour les avocats , etc Je vais étudier la chose afin d’avoir des armes le jour où …

J’ai étudié le fait de monter une Holding très récemment en faisant apporter les parts de ma société dans la Holding afin que les dividendes servent à financer d’autres choses (Immo , AV , etc)

Bref je suis perdu :sweat_smile:

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Racheter les parts de B pour le fermer ensuite pour qu’il n’y ait plus de lien de famille entre les 2 , c’est courageux :sweat_smile:

Ah, je n’ai pas été clair, j’ai racheté les parts detenus par frère/mère dans A. Pas B… enfin de toutes façons, la valeur marché n’aurait pas été très élevée :sweat_smile:

Incroyable ton témoignage ! Et tu trouves même le temps d’apporter de la valeur sur des forums d’investisseurs :raising_hands:

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Ahah merci, ça me touche !

Quotidiennement, j’apprends énormément de tout le monde sur le forum, y compris des choses qui vont influencer mon quotidien d’entrepreneur, de voir mon job non plus seulement en tant que manager mais aussi investisseur ce qui te permet aussi de mieux comprendre tes bilans, tes résultats, tes KPI, les ratios à suivre, la manière d’allouer le capital de ta boite, ta structuration, la fiscalité, la relation avec les banques et financeurs, de challenger tes équipes… sujets sur lesquels je n’étais pas le mieux armé (et sur lesquels je ne m’estime toujours avoir besoin d’apprendre) et qui me permettent de mieux piloter ma boite.
Pour donner, un exemple très concret, je suis en plein projet de la refonte complète de nos dashboards de suivi de l’activité avec l’objectif d’avoir une vue 360 sur l’ensemble des KPI : topline, finance (marges, bfr, tréso, capex), stocks… je ne suis pas sûr que je l’aurais lancer sans ce point de vue « investisseur » obtenu à travers mes lectures du forum et d’autres sources.

Sans spoiler puisque j’ai déjà vaguement évoqué le sujet à quelques reprises, ça me permet de préparer la suite, en particulier, un probable exit partiel ou total dans le futur.

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