Gestion d'un portefeuille titres démembré

Bonjour à tous,
Certains d’entre vous gèrent ils un ptf de titres démembrés?
J’ai pas mal de questions à ce sujet (et des débuts de réponse aussi), notamment pour l’optimisation de la fiscalité (flat tax sur les revenus distribués), la typologie des titres achetés en fonction de leur capacité distributive ou non, l’obligation de distribuer pour respecter les droits de l’usufruitier, les lignes blanches à ne pas franchir…
Bref je cherche des solutions !
Comment faites vous ?
++

Bonjour Fboy,

J’ai trouvé le problème soulevé très intéressant, avec des enjeux à la fois civils et fiscaux, je te livre ce que j’ai compris de la problématique, d’un point de vue théorique car je ne suis pas dans cette situation personnellement.

Résumé de la situation:
Suite à une donation ou une succession un portefeuille titres est démembré, avec une répartition de la valeur NP et UF déterminée classiquement par l’age de l’usufruitier.

L’usufruitier est alors taxé sur les revenus annuels du portefeuille : coupons des obligations et dividendes reçus par les titres du compte-titres. (flat tax ou irpp)

Il a l’obligation de conserver la « substance » du portefeuille dans l’intérêt des nu-propriétaire et de rendre le portefeuille à son décès.
Les arbitrages éventuels doivent se faire avec l’accord des nu-propriétaires car le portefeuille est possiblement modifié dans sa substance, ce que l’usufruitier n’est pas autorisé à faire.
C’est le volet civil du sujet.

Par exemple si l’usufruitier revend des titres classiques pour investir sur des titres risqués et volatiles, qui s’effondrent ensuite, le nu-propriétaire est en droit d’attaquer l’usufruitier pour manquement à l’obligation de conservation du portefeuille…

Une solution possible passe par la signature d’une convention très complète entre usufruitier et nu-propriétaire qui fixe le cadre du fonctionnement du portefeuille titres avec des pouvoirs biens définis et des orientation à respecter par l’usufruitier en accord avec les nu-propriétaires.
De ce fait le risque de contentieux civil est restreint si la convention est bien respectée.

Fiscalement, cette convention peut être opposable à l’administration fiscale afin pour l’usufruitier d’être exonéré de sa part de plus value constatée lors des opérations d’arbitrages sous réserve de l’existence de clauses très précises qui explicitent l’obligation de remploi des fonds issus d’arbitrages dans le portefeuille titres.

Mais le nu-propriétaire sera taxé dans tous les cas, sur sa part, ce qui est problématique car il ne touche rien sur cette période, sauf option expresse irrévocable indiqué à l’établissement financier qui met l’impôt à la charge de l’usufruitier.

Il est probable que chaque année il faille de plus déclarer aux impôts les opérations d’arbitrage avec le détail des ventes et rachats car l’IFU donné par la banque pourrait être erroné.
Il est utile dans ce cas d’avoir un compte bancaire dédié à enregistrer les ventes et rachats, et l’autre pour percevoir aux dividendes et coupons.

Le calcul de la PV et des impôts dans les situations de cession de tout ou partie du portefeuille avec répartitions d’argent entre usufruitier et nu-propriétaire est par contre assez complexe
Cela dépend de qui est l’usufruitier, s’il était le plein propriétaire avant la donation ou s’il est distinct de l’ancien plein propriétaire.
(le détail est dans le BOFIP: BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 )

Se posera ensuite la question du prix de revient du portefeuille titre à l’extinction ou la transmission de l’usufruit au nu-propriétaire dans le futur.
Encore un sujet fiscal pas évident et qu’il faut anticiper. En gros le prix de revient du portefeuille sera soit la valeur PP , soit uniquement la valeur NP au moment du démembrement initial ce qui change significativement les impôts de Plus value de cession de ce portefeuille dans le futur.

Une solution alternative passe par la liquidation du portefeuille titre ordinaire dès son démembrement, sans aucune plus value taxable suite à la donation ou succession si l’usufruitier et le nu-propriétaire ne sont ni l’un ni l’autre l’ancien plein propriétaire .

L’usufruitier récolte alors la totalité de la somme ,en argent, ce qui devient du « quasi usufruit » . Cette somme devra être restituée au nu-propriétaire au décès de l’usufruitier, et sera considérée comme une dette due, hors masse successorale, au nu-propriétaire (civilement et fiscalement).
Dans ce cadre là, il y a toutefois un risque pour le nu-propriétaire de ne pas récupérer la totalité de sa créance à la mort de l’usufruitier si le patrimoine est insuffisant.
La aussi une convention extrêmement précise de quasi-usufruit doit être rédigée avant la cession pour éviter le risque de contentieux fiscal.

Sans connaitre exactement les modalités du démembrement de ce portefeuille il est difficile d’en dire plus sauf a répéter tout l’article du BOFIP…

Tes recherches ont elles donnés des renseignements similaires?

PS: Évidemment faire du day trading boursier sur un compte démembré, en ne payant que la part NP d’impôt de plus value sera considéré comme un abus de droit fiscal. L’esprit de l’arbitrage c’est du buy and hold.

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Bonjour Jean,
Ravi de trouver un écho sur cette problématique relativement complexe :slight_smile:

Oui, et c’est bien le problème car l’intégralité des revenus est taxée ce qu’on peut éviter quand on gere un portefeuille en direct en investissant via le PEA ou l’assurance vie. Cela diminue la rentabilité de l’usufruitier qui ne perçoit que 70% des revenus distribués.

Je comprends que c’est habituellement le cas, l’usufruitier prend à sa charge aussi l’impot sur les plus value car c’est lui qui dispose des revenus.

Je ne suis pas encore allé voir le Bofip, je vais le faire, merci pour la référence.

A ce sujet, je comprends qu’il y a un flou fiscal…

C’est une solution mais qui n’est pas forcément satisfaisante à mon sens car le NP n’a pas la main du tout sur ce qui est fait des fonds. Je pense que cela peut poser un problème également si l’usufruitier n’utilise pas du tout les fonds récoltés (ex réalisation d’un placement en assurance vie)

Je me demande dans quelle mesure il est obligatoire de distribuer les fruits voire de générer des fruits… On pourrait imaginer des investissements qui capitalisent pour n’en céder qu’une partie annuellement et profiter d’une fiscalité moindre (le titre acheté 1000 monte à 1005, je vends pour 5 mais la fiscalité ne s’applique que sur 5% des 5 cédés)
Dans un même genre d’idée, les fonds pourraient être encapsulés dans un contrat de capitalisation (même solution fiscale que ci dessus). Je n’ai pas trouvé encore de réponse à ces problématiques…

Autre question une convention est-elle recommandée et dans quels cas?

Merci pour les apports et reflexions !

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Je me permettrais bien d’ajouter à cette description très complète qu’il vaut mieux en discuter en amont avec un notaire, et même ne pas hésiter à en interroger plusieurs qui ont l’expérience de ce type d’opérations (donc sur des patrimoines significatifs avec de gros comptes titres, et des opérations de donations démembrées assez optimisées), débattre de toutes les clauses à prévoir dans la convention de quasi-usufruit (ex : déduction des droits de donation de la créance de restitution ? indexation sur un indice tel OAT 10 ans ? etc) et aussi vérifier avec sa banque qu’elle a l’expérience de la mise en place (bonne prise en compte des prix de revient à date de l’acte authentique, déduction éventuelle de la part de droits de donations imputables à cette opération, etc) sans faille, et de la gestion sur longue période de ces portefeuilles démembrés.
Ne pas hésiter à demander une description très précise des process internes et des reportings de la banque pour ces situations (se tromper de banque sur le sujet peut avoir de lourdes conséquences si elle fait des erreurs).

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On n’est pas obligé de distribuer des « fruits », voire de « générer des fruits », et on peut effectivement avoir des ETF capitalisants par exemple, et distribuer un petit pourcentage chaque année. Mais cela devra être cadré de façon très précise dans la convention de quasi-usufruit (à faire devant notaire).

PS : je ne suis ni notaire, ni conseil sur ces sujets, donc je parle juste sur base d’expérience et d’échanges personnels sur ces sujets. A discuter avec des notaires et autres professionnels du patrimoine.

TonyB,
J’ai le sentiment , mais aucune certitude à ce stade, qu 'un portefeuille démembré qui ne servirait très peu voire jamais de fruits pourrait être considéré comme un détournement de l’esprit du démembrement avec un risque d’abus de droit fiscal.

En effet le portefeuille serait au final transmis avec des droits de mutation allégés, assis uniquement sur la valeur de NP au jour de la donation et aurait ,par effet capitalisant des titres choisis , « fructifié » sans jamais payer d’impôt au passage.

Le sujet n’est pas simple, plein de « pièges » et de précautions à prendre.
Ceci dit, un portefeuille démembré qui servirait très peu de « fruits », est-ce si différent de la transmission démembrée d’une résidence secondaire ? Dans ce cas, il n’y a aucun versement à l’usufruitier (qui peut utiliser ou pas la résidence) et pas, sauf erreur, de considération d’abus de droit fiscal… bien que les droits de mutation aient été allégés, uniquement assis sur la valeur de NP, et que la valeur de la résidence ait tendance à augmenter au fil du temps.
Le point clé, si j’en crois les échanges que j’ai pu avoir, notamment avec des notaires, sur ce thème, est d’avoir une convention de quasi-usufruit très précise, et de bien encadrer la créance de restitution. Et s’il y a des coupons / dividendes, je crois qu’il est prudent - voire indispensable - de prévoir un compte dédié qui reçoit « automatiquement » les coupons / dividendes dûs à l’usufruitier (mais rien n’oblige à avoir des titres à fort coupon /fort dividende).
J’avais lu il y a quelques temps l’article ci-dessous, que j’avais trouvé intéressant.

Mais là aussi, l’avis d’un professionnel, sur la base d’un projet très précis, rédigé et chiffré, serait nécessaire pour avoir un avis plus tranché.

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Merci pour la référence de l’article, il est réservé aux abonnés mais je vais essayer de l’obtenir. L’idée est d’en apprendre le plus possible avant d’aller voir un notaire, pour éviter d’être perdu et pouvoir le challenger aussi sur des solutions un peu travaillées :wink:

Je partage le fait que rien n’oblige à détenir des titres à forts dividendes (comment les définir déjà ?) mais quid de la souscription de produits capitalisant? Dans ce cas un rachat partiel annuel permettrait de respecter l’esprit du démembrement je pense…

Je partage cette lecture selon laquelle on peut aussi procéder avec des produits capitalisants, avec des rachats/retraits partiels annuels, mais il faudra redoubler de rigueur dans la mise en place et la gestion.

Le point d’attention - il me semble (sans que je sois un spécialiste, donc prudence…) - est, si le donateur est l’usufruitier, le risque de « dilapidation » des fonds, qui irait contre la logique même d’une donation (« donner c’est donner, reprendre c’est voler » :slight_smile: " ou comme le dit le code civil (article 894) : « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ».

La donation suppose une véritable intention du donateur de se « dépouiller », de « s’appauvrir » en donnant, sans pouvoir récupérer ensuite, en perdant le pouvoir et la propriété sur la chose donnée.
Et suppose que le donateur ne peut pas disposer librement de la somme d’argent (ce qui serait le cas si le donateur - usufruitier pouvait « librement » faire des rachats ou retraits partiels).

Ce qui veut dire qu’il faut encadrer précisément les marges de manœuvre de l’usufruitier pour qu’il ne puisse pas dilapider les fonds (sinon, c’est une « fausse » donation, avec un abus de jouissance de l’usufruit) et que tout soit fait pour qu’à son décès les fonds soient bien intégralement disponibles pour les nu-propriétaires qui deviennent plein propriétaires.

La rédaction précise des clauses de la convention de quasi-usufruit est clé, et doit limiter les droits de retrait de l’usufruitier.

PS : je ne suis pas un professionnel de ces questions, donc il faut tout vérifier avec un notaire…
PS 2 : je serais intéressé à connaitre le résultat de tes réflexions une fois que tu auras fait le tour du sujet (je suis toujours preneur de bonnes idées :slight_smile: )

Ce beau sujet m’a forcé à replonger dans un livre : « Usufruit , gestion de patrimoine et pratique notariale » de Henri Leyrat, notaire et docteur en droit privé.

D’après ma lecture, d’un point de vue droit civil les choses sont assez claires, l’UF est autorisé à gérer le portefeuille, de céder les titres sous réserve de les remplacer , d’en conserver la substance et de rendre le portefeuille à son décès.
Et pendant toute la durée de démembrement il perçoit les fruits (dividendes et intérêts ).
L’UF doit aussi informer régulièrement le NP des actes de gestions accomplis.

Fiscalement le cas général ( don de la NP démembrée avec réserve de l’UF par le donateur ) est que l’UF paye ses impôts sur les fruits.
La PV nette des arbitrages, en cas de réemploi ce qui ne profite pas à l’usufruitier, est imposée à la charge des nu-propriétaires sur la base de la valeur de la NP ( 50/50 ou 40 / 60% etc…) et c’est efficient fiscalement donc. Par option, l’impôt de PV peut être payé par l’UF, avec un calcul différent de la PV mais sur une part logiquement plus faible. L’auteur indique que le choix de cette option ne s’appliquerait que pour les démembrements qui ont une origine successorale.

Une convention peut inclure du quasi-usufruit sur le montant total des cessions, donc avec créance de restitution, modalité de calcul de ré-évaluation et éventuellement mise en place d’une garantie accordée au NP. En quasi-usufruit la charge fiscale est 100% pour l’UF, ce qui est simple.

Point de vigilance: l’administration fiscale est attentive aux modalités de ré-évaluation de la créance car cela réduit la masse successorale taxable future.

le calcul de la PV taxable est assez pénible … Voir le tableau ligne 160 du Bofip :

Il ne faut pas oublier le traitement fiscal futur de ce portefeuille.

Dans le cas précis ou c’est le donateur qui conserve l’UF et donne la NP, le prix de revient du portefeuille au décès du donateur est égale à la valeur de la NP à l’époque du démembrement.
En effet la valeur de l’UF au moment du démembrement n’a jamais été taxée dans le passé, elle le sera sous forme de plus value de cession une fois le démembrement terminé. Ce n’est pas hyper optimisé.
Un leg de l’UF à son conjoint survivant permet d’éviter cela. Il faut se plonger dans les textes sur les clauses de réversion d’usufruits successifs pour s’en assurer.

Merci Fboy pour avoir soulever ce sujet en réalité hautement technique, bien que le concept soit tout simple.

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Oui, ça me fait penser qu’il publie des vidéos sur YouTube, je vais aller voir s’il n’y en a pas une sur le sujet !

Je me demande d’ailleurs comment l’imposition intervient !
Au jour du décès, la banque enregistre le compte au seul nom du NP et seules les plus values de chaque titre composant le portefeuille apparaîtront… La valeur initiale, surtout si le portefeuille a évolué n’apparaîtra plus.