Shiller CAPE, exposition régionale et market timing

Bonjour à tous,

Une question - un peu théorique - mais importante pour les néo-investisseurs comme moi.

Comme tous ici, je suis fervent défenseur du DCA, et pourfendeur de toute approche qui se fonde de près ou de loin sur un market timing. L’hypothèse d’efficience des marchés, communément admise comme la plus appropriée pour les investisseurs individuels, veut que le marché reflète à tout moment l’ensemble des informations disponibles. Les marchés étant haussiers à long terme, et ayant également un horizon d’investissement de long terme, je ne devrais donc pas me préoccuper de mes points d’entrée dans le marché et continuer sagement mon DCA en MSCI World.

Hors ce dernier est aujourd’hui très exposé aux indices américains, et particulièrement à la tech. Les multiples de valo sont particulièrement élevés, et atteignent des plus haut historiques : cf. Shiller CAPE des USA vs Europe ci-dessous.

Il est également admis que le Shiller CAPE a une vertu légèrement prédictive, notamment aux extrêmes. Avec un CAPE à plus de 33 pour les US, nous sommes clairement à un extrême :wink: Si l’on en croit cette corrélation ci-dessous, notre espérance de rendement annuel à 10 ans sur les actions US est proche de 0%, et n’a en tout état de cause jamais dépassé 5% (source : ici)

Ce qui évidemment amène plusieurs questions théoriques et aussi pratiques :

  • N’est-il pas temps de surpondérer les indices hors US à court terme, notamment Europe (dont les valo apparaissent plus raisonnables) ? L’excellent The Economist a l’air de tendre vers cela : lien (pour les abonnés).
  • Cela doit-il nous amener à modifier notre exposition à la classe d’actifs actions ? Cette dernière doit théoriquement refléter notre appétence au risque - mais du risque sans du return c’est quand même nettement moins fun :wink:
  • Plus fondamentalement, est-ce une entorse raisonnable au principe de non-market timing ? Une partie de la réponse théorique est sans doute dans la fraction de Merton, mais j’avoue ne pas l’intégrer pleinement dans mes décisions d’allocation (je suis plus passif que ça)
  • Encore plus fondamentalement, et après les folles années 2010, entre-t-on dans un monde où l’espérance de rendement a fondamentalement diminué ? Qu’il s’agisse des actions ou même de l’immo…

Preneur de vos avis sur le sujet :slight_smile:

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Excellentes questions, vraiment d’actualité, et actuellement débattues dans le monde de la finance.
La question étant assez théorique, je propose deux bonnes lectures, quoi que pas vraiment simples (et on parle d’un total de 600 pages et quelques équations au passage :)), qui peuvent aider à développer un point de vue « éclairé » sur le sujet :

  • « Investing amid low expected returns » d’Antti Ilmanen (qui envisage des rendements réduits pour les actions dans le futur, et propose des façons d’adapter sa gestion de portefeuille).
  • « The missing billionaires », d’Haghani et White, qui couvre le sujet de la fraction de Merton (il va au-delà de cette approche simple) et de la prise en compte dynamique du Shiller Cape, du VIX, des écarts de rendements attendus entre régions.

Après avoir lu ces deux livres, on est mieux équipés pour faire des choix (qui restent personnels car tout cela n’est pas une science exacte…). Tout en restant humble / prudent, car la valeur prédictive du Cape Shiller à 10 ans reste faible en fait…

PS : à titre personnel, j’utilise le CAPE Shiller et le VIX pour définir une cible, revue sur base annuelle, de part actions, et j’ajuste - partiellement - l’exposition géographique en fonction des écarts de rendement attendus.
Disons que cela ressemble, en moins dynamique, à ce qu’on peut trouver sur un site tel que elmwealth.com, si cela peut donner des idées.

PS 2 : désolé pour la réponse assez théorique et ardue, mais je ne sais pas répondre à ces questions de façon simple…

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Merci @TonyB ! Un petit bain de théorie ne fait jamais de mal :wink:

Première impression : le débat dépasse sans doute l’allocation régionale, l’exposition aux value stocks me paraît intéressante à creuser aussi

Oui, et quand on « tire la pelote », on se pose la question de l’exposition aux value stocks, mais aussi à d’autres styles / « premia » (momentum, size, etc). Et assez vite, on en arrive à se demander s’il faut s’exposer à d’autres classes d’actifs (long / short, commodities, private equity, etc).
Le livre « Investing amid low expected returns » aborde ces sujets aussi.

Mais là, attention, danger : on ouvre la boite de Pandore, chaque question en entraine 3 autres, c’est une réaction en chaine, et au lieu d’être un investisseur passif qui passe 10 mn par mois à gérer, on risque de devenir un « obsessionnel de la finance », qui passe ses journées à potasser des articles académiques pour essayer d’« optimiser » :scream:
Je rejette donc toute responsabilité sur les conséquences que pourraient avoir de telles lectures sur le développement de troubles obsessionnels :slight_smile:

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Trop tard, tu m’as contaminé en me conseillant ces bouquins, @TonyB. Il faut assumer maintenant. :grin:

Bienvenue dans les 7 cercles de l’investissement, @Clement98. Toi qui entre ici, recherche toute espérance de rendement.

C’est un cheminement intellectuel très intéressant. Un peu frustrant, aussi, quand tu constates qu’une bonne vieille vieille allocation ETF World + Obligations des familles fournit une grande partie du taf’. :sweat_smile:

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Me voilà convaincu :wink: Je vous en dirai des nouvelles - si j’en sors vivant, et sain d’esprit ofc

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Oulala, moi je n’assume rien @vincent.p :joy:
Et je vais « remettre une pièce dans le juke-box », en suggérant une nouvelle lecture, assez différente des précédentes (et pas du tout une lecture académique).
Sans doute à ne pas prendre au pied de la lettre… mais apporte pas mal de bonnes idées !
Là encore, rien n’oblige à le lire, c’est sous l’entière responsabilité du lecteur …

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Ah, j’étais tombé sur l’étrillage en règle de la partie « maths » ce bouquin par Early Retirement Now donc je ne lui avais pas donné sa chance.

La partie plus « philosophique » mérite donc d’y jeter un œil ?

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Oui, je pense que c’est une lecture intéressante (ou au moins écouter un ou deux podcasts d’interview de Bill Perkins).
Critiquer « Die with zero » pour la partie « maths », c’est un peu comme dire « ne lisez surtout pas l’Odyssée d’Homère, sa description géographique de la méditerranée est fausse ».
Le site ERN a tendance à tout ramener aux « maths », c’est sympa, mais il passe parfois à côté de certains concepts plus « softs »/ humains / philosophiques…
L’autre critique d’ERN est qu’il n’y a rien de nouveau : c’est en grande partie vrai, mais c’est aussi vrai d’autres très bons livres qui ne font que reprendre en les présentant de façon didactique et agréable des concepts académiques vieux de 30 à 50 ans - doit-on rejeter leur lecture pour autant, ne valider que les articles de recherche de Markowitz / Samuleson / Fama / Merton dans leur version originale et interdire les ouvrages de vulgarisation ?
Donc, oui, je pense que c’est un livre qui donne de bonnes idées, et je le recommande, à condition de ne pas le prendre au pied de la lettre (par exemple, certaines formules sont simplistes, uniquement « directionnelles », et pas à prendre comme des théorèmes, mais ce n’est pas le cœur du livre).
De mon point de vue, ce qu’on peut reprocher à « Die with zero », c’est son style de rédaction très « marketing à l’américaine » et le fait qu’il a surtout du sens pour des personnes qui ont un « gros » patrimoine - à un niveau où l’exactitude des formules importe peu dans le fond - et n’est du coup sans doute vraiment pertinent que pour une minorité de la communauté FIRE.

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J’aime beaucoup la comparaison. :grin: