Je n’irais pas jusqu’à conseiller ça les yeux fermés ! Comme toujours, il y a une myriade de facteurs qui peuvent faire pencher d’un côté ou de l’autre. Donc caveat emptor sur ce qui suit.
Voici mon interprétation, en l’état de ma compréhension actuelle du sujet, de la place potentielle des obligations corporate et high Yield dans un portefeuille.
Les obligs gouvernementales, corporate Investment Grade et high yield représentent respectivement 25%, 15% et 1% du marché accessible aux investisseurs.
J’ai deux postulats : « en moyenne, les investisseurs ne sont pas des idiots » et « c’est fichtrement dur de faire mieux que le marché sur le long terme ». Avec ce prisme, les corporate méritent probablement une place dans mon portefeuille, tanqis que les high yield n’ont pas la faveur des investisseurs et peuvent probablement être ignorées.
J’aime bien comprendre un peu la théorie derrière les classes d’actifs dans lesquelles je mets des billes. L’idée est de voir s’il y a des chances raisonnables qu’ils produisent du rendement dans le futur sans encourir un risque déraisonnable par rapport aux alternatives. Autrement dit, j’envisage d’investir lorsque des chercheurs renommés ont trouvé une explication plausible à la question « pourquoi ça marche et pourquoi ça devrait continuer ainsi ? ».
Avec les obligations, on s’expose à différents types de risques rémunérés par le marché :
- Sur toutes les obligations, on porte un risque d’inflation inattendue. Le rendement des obligations nouvellement émises tient compte des prédictions d’inflation sur la durée de l’obligation, mais on peut avoir des surprises qui font exploser l’inflation… Genre une pandémie.
- Sur l’obligataire public, le risque est lié à l’évolution incertaine des taux d’intérêt (qui dépend de l’inflation, mais pas uniquement) bien qu’il n’y ait pas de risque de solvabilité significatif de l’émetteur (pour les pays développés). Ce risque est d’autant plus important que les obligations sont longues, on en a déjà discuté plusieurs fois sur ce forum. En revanche, ce risque n’est généralement pas lié aux gros crash sur les actions, les obligations d’Etat ayant même tendance à remonter quand les actions prennent le bouillon. On du gagne entre 1% et 1,5% au-dessus du marché monétaire sur le long terme en s’exposant à ce risque.
- Sur l’obligataire d’entreprise de qualité, on ajoute un risque de défaut de paiement à celui sur les taux d’intérêts et d’inflation. Ce risque (dit de crédit) est généralement rémunéré par le marché entre 0,3% et 1% annuels au dessus du rendement des obligations d’état (l’estimation varie selon les auteurs). Ce risque est un peu corrélé au risque des actions (0,3 sur le long terme). En cas de crash, la valeur des obligations d’entreprise va baisser en même temps que les actions, mais dans une proportion généralement bien plus faible.
- Le high yield est une version survitaminée du risque de crédit car on sait d’avance qu’il y aura probablement des remboursements incomplets si l’économie part en sucette… Et les actions ont souvent tendance à dévisser à ce moment. La corrélation est donc plutôt élevée (0,6 à 0,7). Au sein du high yield, il y a une sous-classe appelée les « Fallen Angels » qui présente un bon ratio rendement/risque. Il s’agit des obligations Investment Grade qui ont récemment perdu ce statut : elles s’échangent généralement avec des bons rendements sans présenter beaucoup plus de risque que les IG.
- Les obligations d’état indexées sur l’inflation vont présenter le risque de taux d’intérêt mais sans le risque d’inflation. Cette assurance contre l’inflation a un prix et leur espérance de rendement nette d’inflation est un plus faible que celle des obligations d’état de même durée.
Antti Ilmanen a un très bon chapitre sur l’obligataire dans Investing Amid Low Expected Returns. Très bon bouquin, mais pas rigolo à lire et déprimant (si tu penses que les actions vont cracher 8%/an sur la prochaine décennie, tu es bon pour une douche froide en lisant ce livre).
Il y a aussi plein de discussions intéressantes sur le forum Bogleheads sur les vertus comparées des obligations dans un but de diversification. J’aime bien le thread sur la stratégie Modified Hedgefundie Excellent Adventure où des investisseurs leveragés à 300% débattent de courbe de taux. Stratégie extrême, mais c’est souvent en regardant les stratégies chelou assises sur des actifs classiques qu’on trouve de bonnes idées. 
Bref, en première approximation j’ai envie d’avoir en portefeuille de l’oblig étatique, du corporate mais pas forcément de High Yield car j’ai déjà pas mal d’actions. Si on a plus d’actions en portefeuille que la moyenne du marché, on peut raisonnablement envisager de réduire les corporate au profit de l’étatique ou des obligs indexées.
Viennent ensuite les considérations d’actifs disponibles dans ses enveloppes et d’efficience fiscale. Sur mon patrimoine personnel, ma fraction obligataire est schématiquement constituée de fonds Euros (plafonnée pour bénéficier des bonus de mon AV) et le reste est composé à part à peu près égales de global aggregate (état + corporate) et d’obligations indexées sur l’inflation. J’ai mes obligations en AV pour faire les rééquilibrages de mon portefeuille sans frottement fiscal.
Mais au fait, pourquoi entend-on donc autant parler de High Yield sur les forums d’investisseurs individuels ou sur Internet ?
J’ai l’impression que c’est un peu comme prendre du Nasdaq à la place du World, tu prends plus de risques dans l’espoir d’un rendement supérieur (concrétisé par le passé, mais qui ne le sera pas forcément dans le futur). En outre, investir en obligations High Yield plutôt que corporate est une stratégie qui s’est pas si mal passée historiquement.
Une alternative à cette approche est de prendre un portefeuille plus diversifié (World, Small, EM, Etat, Corporate, Alternatifs…) qui aura un rendement moindre mais un meilleur ratio rendement/risque (espéré), puis de booster le rendement avec du levier. J’ai choisi cette approche, qui est généralement privilégiée par les papiers de recherche ou les bouquins que j’ai consultés.