@Bruno47, il ne sâagit pas vraiment dâa priori ou dâune aversion. Je tiens juste Ă ce que ceux qui envisagent dâacquĂ©rir de lâor soient bien informĂ©s. Il y a une sacrĂ©e quantitĂ© de mythes autour de lâor !
Ce nâest pas surprenant, vu quâon croit mieux connaĂźtre lâor quâon a dans les histoires de pirates depuis notre enfance, contrairement aux actions, sans mĂȘme parler des contrats Ă terme.
Plus je creuse le domaine de la finance, moins je fais confiance Ă mon intuition. Il y a de multiples façons de mal investir en se laissant guider par des biais cognitifs donc on nâa mĂȘme pas conscience. Ce nâest pas parce quâon a tous investi de maniĂšre mĂ©diocre Ă un moment quâil est souhaitable de continuer !
Jâai mĂȘme dĂ©tenu un peu dâor quand jâavais la vingtaine. HĂ© ouais.
La question est donc : lâor mĂ©rite-t-il de faire partie du portefeuille dâun investisseur individuel ? Existe-t-il des alternatives plus pertinentes ? @TonyB a notamment prĂ©sentĂ© les indices de commodities qui remplissent mieux la fonction usuellement dĂ©volue Ă lâor.
Jâai moi aussi constatĂ© que lâor a plutĂŽt bien marchĂ© ces quarante derniĂšres annĂ©es : un 70% actions / 30% or aurait obtenu le mĂȘme rendement composĂ© quâun 60% actions / 40% obligations.
Toutefois, il lâa fait au prix dâune volatilitĂ© annualisĂ©e significativement supĂ©rieure (ratio de Sharpe autour de 0,55 contre 0,65). Le pire abaissement aurait Ă©tĂ© plus Ă©levĂ© avec lâor que les obligations. Bref, prendre de lâor aurait induit plus de risque, Ă lâopposĂ© de la perception que les gens en ont !
Surtout, ces backtests ne sont valables quâavec de lâor papier, qui a une fiscalitĂ© et des coĂ»ts de transaction similaires aux actions & obligations. Avec de lâor physique, ce serait probablement bien pire : coĂ»ts de transaction Ă©levĂ©s pour rĂ©Ă©quilibrer le portefeuille, frais de stockage (ou risque supplĂ©mentaire si on le garde sous son matelas)âŠ
Mais le point fondamental (qui sâapplique Ă tous les investissements), câest quâon ne peut pas juger une stratĂ©gie dâinvestissement que lâon doit dĂ©cider ex-ante Ă partir de rĂ©sultats ex-post.
Lâor a correctement fonctionnĂ© par le passĂ©, mais comment Ă©valuer la façon dont il fonctionnera dans le futur ? Câest ça qui nous intĂ©resse vraiment !
En tant que particulier, on peut vaguement estimer Ă 5/10 ans les rendements rĂ©els des actions, Ă partir de leur prix actuel, des bĂ©nĂ©fices passĂ©s et estimĂ©s des entreprises (Shiller CAPE). Idem pour les obligations, si lâon connaĂźt leur rendement Ă lâĂ©chĂ©ance et des estimations dâinflation (BCE, NY FED), on peut avoir une idĂ©e de leur rendement rĂ©el. On peut aussi estimer le rendement sans risque (Ă long terme) Ă partir des obligations indexĂ©es sur lâinflation.
Pour lâor, on assez a peu de mĂ©triques sur lesquelles sâappuyer. Les donnĂ©es Ă (trĂšs) long terme semblent indiquer que lâor suit lâinflation mais sur des horizons supĂ©rieurs Ă une vie humaine(*). Comme cela ne gĂ©nĂšre pas de cashflows, une hypothĂšse de travail raisonnable est que lâor suit lâinflation. Câest dĂ©jĂ mieux que le cash !
Est-ce que ce sera le cas dans les 40 ans Ă venir ? Est-ce que lâor va faire moins bien que lâinflation ? Nul de le sait.
Est-ce quâon peut sâappuyer sur le fait que lâor a fait ~8% annualisĂ©s depuis la fin de lâĂ©talon-or pour prĂ©dire le futur ? Certainement pas.
Pour sĂ©lectionner un actif, il nây a pas que son espĂ©rance de rendement. Un portefeuille se construit aussi en Ă©valuant les compromis entre le rendement et le risque. Trop de volatilitĂ© peut rendre un investissement mĂ©diocre, mĂȘme si son espĂ©rance de rendement est Ă©levĂ©e.
Quelle est donc la volatilitĂ© de lâor et comment varie sa corrĂ©lation aux autres classes dâactifs dans le temps ? Ou plutĂŽt, comment estimer ça dans le futur ?
Et bien le hic, câest quâon nâa pas beaucoup mieux en stock que de sâappuyer sur les donnĂ©es historiques. Souvent, ça se fait en prenant une moyenne (pondĂ©rĂ©e) entre le court (1 Ă 3 ans) et le moyen terme (10 ans).
- Or : ~13% Ă 1 an, ~14% Ă 10 ans.
- Actions : ~14% Ă 1 an, ~15% Ă 10 ans.
- Obligs IG diversifiées : ~5% à 1 an, ~6% à 10 ans.
Lâor est aussi volatil que les actions et bien plus que les obligs (sachant quâon a eu le pire crash obligataire de lâhistoire en 2022, la volatilitĂ© long terme est plus basse que ça).
Il faut reconnaĂźtre que lâor a une corrĂ©lation moindre que les obligations (surtout corporate) avec les actions. Mais lâĂ©cart de corrĂ©lation est assez minime si on regarde les obligations dâĂ©tat de durĂ©e intermĂ©diaire (~5 ans).
Franchement, lâor nâest pas bien excitant par rapport Ă de la bonne vieille dette dâEtat.
Seule reste Ă©ventuellement sa valeur en tant quâactif pour les situations catastrophique, du type guerre. Mais lĂ il faut le comparer Ă dâautres actifs, genre un potager et une citerne dâeau.
@Bruno47 jâai lâimpression que tu as pensĂ© que je te volais dans les plumes : ce nâĂ©tait pas du tout mon intention. Je mets les idĂ©es sur le ring, mais les seuls coups que je mets au gens câest quand je leur offre une conso au bistrot.
(*) Puisque tu as levĂ© le point des institutions, le fait que lâor semble maintenir sa valeur Ă long terme (si on dĂ©zoome sĂ©rieusement du graphe) peut le rendre intĂ©ressant pour une institution Ă vocation « perpĂ©tuelle » telles que les banques centrales. Du reste, mĂȘme ces institutions ne font actuellement pas grand-chose de lâor quâelle ont hĂ©ritĂ© dâavant la fin de lâĂ©talon-or (1976). La Banque de France et la rĂ©serve US nâont pas fait de transactions depuis plus de 15 ans. Dâailleurs, elles en dĂ©tiennent de telles quantitĂ© que le marchĂ© partirait probablement en sucette si elles cherchaient Ă le liquider !