Utiliser l’effet de levier pour diminuer le risque de son portefeuille

Bonjour à tous,

Préambule : ce sujet est une synthèse de divers posts liés aux sujets sur le crédit lombard, les fonds euros et, en particulier, de la part de @vincent.p

L’idée est d’échanger sur l’effet de levier sur un portefeuille, non pas pour augmenter le rendement, mais pour en diminuer le risque. Les puristes rétorqueront à bon droit que cela revient au même, et nous sommes bien d’accord :wink:

Données et hypothèses

Voici les détails de l’enveloppe, des supports et des hypothèses de rendement et de risque :

Enveloppe : Assurance-vie Bourso

Supports : ETF World et un fonds euros

Données Fonds euros ETF World
Espérance de rendement annualisé 3 % 8 %
Risque de drawdown (historique) n/a 57 %

Factsheet de l’indice MSCI Wolrd.

Nb: à ce stade, ne sont pas pris en compte les frais d’investissement (~ 1 %), ni le coût du crédit (~ 3,5 %). Par hypothèse, on peut considérer que le rendement du fonds euros sera proche (~ 0,5 %) du coût du crédit.

Voici les données des allocations :

Portefeuille sans levier

ETF Fonds euros
70% 30%
Hypothèses de risque et de rendement Données
Rendement (brut) 6,5 %
Gain (avec / sans levier) n/a
Value-at-risk 42 %
Liquidation (ETF) n/a

Portefeuille 130 %

Levier de 30% de la valeur du portefeuille initial avec un réinvestissement sur le fonds euros pour aboutir à un allocation plus équilibré.

ETF Fonds euros
* sans levier 70 % 30 %
* avec levier 70 % 60 %
Hypothèses de risque et de rendement Données
Rendement (brut) 6 %
Gain (avec / sans levier) + 17 %
Value-at-risk 32 %
Liquidation (ETF) 100 %

Par rapport au portefeuille sans levier, cette allocation pourrait permettre :

  • une espérance de gain de 15% ,
  • une valeur à risque inférieur de 10 % ;
  • et aucun risque de liquidation (le support ETF devrait perdre 100 % de sa valeur)

Portefeuille 150 %

Levier de 50% de la valeur du portefeuille initial avec un réinvestissement de 5 % sur l’ETF et de 45 % sur le fonds euros pour aboutir à un allocation équilibrée.

ETF Fonds euros
* sans levier 70 % 30 %
* avec levier 75 % 75 %
Hypothèses de risque et de rendement Données
Rendement (brut) 6 %
Gain (avec / sans levier) + 25 %
Value-at-risk 30 %
Liquidation (ETF) 71 %

Par rapport au portefeuille sans levier, cette allocation pourrait permettre :

  • un gain de 25% ;
  • une valeur à risque inférieur de 12 % ;
  • et un risque de liquidation si le support ETF perd 71 % de sa valeur.

Question bonus : quelle allocation du portefeuille sans levier permet d’aligner le seuil de liquidation du levier au risque de drawdown historique de 57 % ?

Je trouve une allocation 85/15.A noter que la répartition des fonds du levier est arbitraire (+50% sur le fonds euros, ca aurait pu être sur l’ETF ou une allocation cible de 75/75).

ETF Fonds euros
* sans levier 85 % 15 %
* avec levier 85 % 65 %
Hypothèses de risque et de rendement Données
Rendement (brut) 6 %
Gain (avec / sans levier) + 21 %
Value-at-risk 34 %
Liquidation (ETF) 58 %

Conclusion

  • un levier investi majoritairement sur des actifs sans risque permet d’augmenter la performance du portefeuille en conservant un rendement proche du portefeuille sans levier (6% au lieu de 7%) tout en diminuant la value-at-risk (de 42 à 30%).
  • le risque de liquidation est nul pour un levier de 30% et supérieur à la perte historique de l’indice pour un levier de 50% avec une allocation ETF/Fonds euros raisonnable.
  • les frais d’enveloppe et de gestion ne sont pas simulés (1%/an pour l’ETF, taux d’intérêt du crédit).
  • pour nous autres pauvres pécheurs, le crédit lombard est compliqué à obtenir dans la mesure où Bourso Bank limite sa durée à 5 ans sans prorogation et Pledger à 7 ans.
  • les arbitrages (achat d’action si les cours baissent, puis rachat d’obligation si les cours remontent) n’ont également pas été simulé. Vous pouvez vous rapportez à ce post de @vincent.p sur ce point.

Questions

  • Est-ce que vous identifiez des erreurs de calcul ou de méthode ?
  • A mon sens, le calcul peut être grandement précisé et raffiné (@vincent.p : on attend l’Excel en VBA :wink:
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Sauf erreur il n’est pas possible de re-verser le montant emprunté sur le même contrat, tout versement venant en remboursement du crédit. Donc c’est jouable mais avec 1 autre fonds euro à côté.
Du coup vous réglez le pb du risque mais pas celui de la liquidation.

Je suis en ligne avec la méthodologie des calculs, pour peu qu’on considère que le rendement des actions et du fonds Euros a une corrélation nulle… Ce qui n’est pas une hypothèse déconnante. :grin:

Il y a plein de subtilités pour faire ce genre de portefeuille avec levier !

Je suis d’accord avec toi, une bonne contrainte à valider, c’est que le portefeuille ne doit pas exploser si des configurations extrêmes se reproduisent.

  • Par exemple, ou pourrait limiter son levier pour ne pas avoir d’appel de marge si les actions faisaient -70% et les obligations -20% simultanément, tout en gardant du mou pour payer 3 ans d’intérêts.
  • Ou alors définir des règles inflexibles de déleveraging lorsque le taux de levier augmente trop (prix des actions baisse, dette stable > taux de levier augmente) : on augmente le volatility drag, qui a pour effet de baisser le rendement composé d’environ 0,5 x volatilité² par rapport à un montant de levier fixe à la baisse (cas d’une avance sur AV qu’on ne rembourse pas), mais on limite grandement le risque de faire tapis.

Mais ce n’est pas la seule considération de risque à avoir. Avec du levier, la volatilité du portefeuille va aussi s’accroître :

sigma(avecLevier) = sigma(sansLevier) x levier

Et la volatilité a un impact sur le rendement composé. Tu peux l’approximer par :

E(avecLevier) = E(sansLevier) + (E(sansLevier) - tauxLombard) x (tauxLevier - 1) - 0,5 x Sigma(sansLevier)^2 x tauxLevier^2

Où tauxLevier = 1,3 si tu empruntes 30% par exemple, E(x) est l’espérance de rendement et Sigma est l’écart-type.

Pour calculer la répartition optimale en termes d’équilibre entre le rendement et le risque, une méthode usuelle est chercher à maximiser le ratio de Sharpe (les puristes parlent de Mean Variance Optimization) et à ajouter du levier dessus (en tenant compte des coûts de crédit).

La partie difficile, c’est d’estimer les espérances et les volatilités : ça a beaucoup d’impact sur la proportion idéale. En outre, on veut estimer ces informations nettes d’inflation et idéalement d’imposition.

Typiquement, je ne parierais pas sur une espérance de rendement annualisée de 8% pour le MSCI World (mettons 6% nets d’inflation). Je serais plutôt autour de 4% car les valorisations (Shiller CAPE) sont élevées en ce moment. La volatilité à 10 ans peut servir pour estimer la volatilité future, faute de mieux.

Le fonds Euros peut éventuellement être approximé comme un actif avec une volatilité nulle (ce qui fait que la volatilité du mix est celle des actions x le % d’actions comme tu le fais). J’avais extrait les données pour le fonds Euros Exclusif, tu peux considérer qu’il va faire de l’ordre de 1,2% au-dessus de l’inflation pour le moment (plus précisément +0,3% au-dessus du rendement réel des obligations indexées sur l’inflation).

Il ne faut pas oublier d’ôter les frais d’enveloppe et de gestion pour les actions, ils représentent une part substantielle de la surperformance.

Tu peux plugguer ça dans une formule pour tenir compte de ton aversion au risque. Ca revient à maximiser le rendement ajusté du risque (le Solver Excel est un outil bien pratique pour ce genre de trucs) :

RaR = E(Fonds€) + %Actions x (E(portefeuille) - 0,5*%Actions x gamma x sigma²)
Où tu exprimes les E(x) en net d’inflation.

Tu pourras constater que la fraction action baisse assez vite lorsque l’écart entre l’espérance de rendement des actions et l’actif sans risque baisse et que le coût d’emprunt pèse vite dans la balance.

Donc typiquement, là où tu trouves un portefeuille optimal entre 50 et 60% d’actions, je suis plutôt aux alentours de 40%.

La bonne nouvelle, c’est que dans ce genre d’optimisation, le rendement ajusté du risque bouge assez peu autour du % d’actions optimal. Prendre 10% d’actions en plus ou en moins ne va pas radicalement changer la donne.

Tout ça pour ça. :sweat_smile:

Après, si t’es un grand malade comme moi, tu ajoutes d’autres actifs dans la simulation (immobilier, obligations, ETFs factoriels…), tu estimes leurs corrélations, tu tiens compte des plus-values latentes sur tes différents supports…

C’est pour ça que je ne partagerai pas mon Excel. Pas parce que je ne veux pas vous aider, mais parce que c’est un monstre construit par strates successives, qui contient trop de trucs codés à l’arrache contextuels à ma situation (et probablement des erreurs). :sweat_smile:

Si, tu peux reverser sur la même AV, mais ça ne serait pas optimal : tu veux garder le cash dans une enveloppe non nantie et raisonnablement liquide. Par exemple un PEA (ce qui diminue la volatilité de l’AV car elle contient moins d’actions = moins de risque d’appel de marge) ou sur une seconde AV Boursorama. Mais un CTO peut aussi faire l’affaire. Tu devras de toute façon réaliser des cessions (donc avec impôt) pour rembourser l’avance… A moins d’avoir d’autres sources de crédit pour faire rouler le prêt, mais c’est une autre histoire.

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“Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir.” Pierre Dac
:smile::wink:

Désolé, je sors

Merci Vincent pour tes analyses toujours pertinentes

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Vous êtes sûr de ça? Par exemple la dernière fois que j’ai fait une avance chez Swisslife les versements étaient automatiquement affectés au remboursement.
On ne peut pas simplement faire grossir le collatéral avec le montant déjà emprunté puis ré-emprunter derrière, etc. A moins que ce soit possible chez Bourso?

Chez Boursorama ça passe, oui. Mais je conseille de ne pas réinvestir sur l’AV nantie en direct si on envisage d’utiliser une partie de l’argent ultérieurement : il faut passer par du papier pour faire les rachats, c’est casse-pieds !

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Super intéressant, merci