Allocation et réflexions sur patrimoine 1M€

Effectivement la question est légitime.
En fait, le temps, l’énergie à consacrer et la quantité de compétences à acquérir augmentent fortement au fur et à mesure que l’on ajoute des classes d’actifs et des stratégies (maitriser les subtilités, sourcer de bons produits et de bons fournisseurs, construire des modèles d’analyse du portefeuille, créer et monitorer des outils de suivi des risques, etc). C’est vite chronophage… et si on ne fait pas cet effort, on prend des risques sans s’en rendre compte et on peut se faire « refourguer les nanards » par des fournisseurs en quête de marges via la vente de produits à la mode…
En fait, le jeu n’en vaut sans doute la chandelle que si la taille du portefeuille est suffisante pour au moins 2 raisons :

  • un portefeuille suffisamment gros permet à la fois d’avoir accès à une gamme plus large et de meilleures conditions financières (ex : un contrat d’AV à 500 kE aura au mieux 0,50 % de frais et sera limité en classes d’actifs admises, et de supports dans les stratégies que l’on recherche ; au dessus de 2 Mio E on pourra négocier 0,4% voire 0,35%, et au dela de 3 à 5 Mio, on aura des frais très bas et on pourra mettre pratiquement tout type d’actif dans le contrat). Et les conditions du financement pour faire du levier seront beaucoup plus compétitives. Et on pourra « jouer » avec des tailles de tickets pour les différents actifs qui limiteront les coûts d’opération.
  • le temps passé jusque là à accumuler un « gros » capital permet d’avoir identifié tout un réseau d’intervenants, de fournisseurs, etc qui ne consacreront aucun temps à un « petit portefeuille », et de pouvoir sourcer de meilleures offres (c’est particulièrement net pour le private equity ou si l’on est business angel - classes d’actifs pour lesquelles il y a une très forte antisélection, le nouvel arrivant ayant tendance à récupérer ce qu’on a pas réussi à « fourguer » aux autres).
  • un capital important permet de « diluer » le coût des experts que l’on va avoir besoin de mobiliser (ex : comptable si on crée une structure holding, fiscaliste pour optimiser, etc), coût qui est vite considérable en pourcentage pour un capital inférieur à 1 Meuro. Enfin, plus on a un gros capital, plus on peut se permettre, toutes choses égales par ailleurs, d’avoir une part illiquide significative.

Du coup, quand on pose un calcul de coin de table, on peut toucher du doigt en quoi la taille du patrimoine est un critère fort. Prenons un exemple : Jean a un patrimoine financier de 500 kE, réparti 50% actions, 50%obligations / fonds euro. Il estime que l’espérance de gain pour son niveau de risque est de 5% /an.
S’il se dit « je vais faire un peu de levier, et diversifier avec de nouvelles classes d’actifs », disons par exemple qu’il va peut être gagner 0,30% d’espérance de gain à risque inchangé (peut être … ce serait déjà très bien). Soit 1500 euro / an, soit 125 euro / mois, pour un gros travail … qui serait peut être plus rentable ailleurs (dans son boulot, ou en investissement locatif, etc).
Si Jean avait un patrimoine de 5 000 kE, ce serait très différent, il pourrait se dire qu’il peut peut être espérer 0,50% de plus à risque inchangé à ces 0,30 % (meilleures conditions de financement, fonds de private equity plus performants et moins chargés en frais car sans intermédiaires multiples, accès à des classes d’actifs supplémentaires améliorant son sharpe ratio, etc). Plus vérification des opérations, structures et montages par des conseils qui diminuent le risque. Il se retrouve à espérer 0,80% de plus par an sur 5 Mio, soit 40 KE/an (et plus d’1 M Euro sur 15/20 ans…). Là, le fait d’y passer du temps peut beaucoup plus se justifier, et « le jeu peut en valoir la chandelle ». Mais même avec un portefeuille de cette taille, une approche « lazy » ETF actions / obligations / fonds euro serait tout à fait pertinente sans se « casser la tête ».

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Une métaphore que j’aime bien :
J’ai acheté une maison dans laquelle il faut faire un peu de peinture et d’enduit, pas très complexe en réalité, c’est facile à faire tout seul.
Maintenant quand il faut refaire toute l’isolation, la toiture et la plomberie, c’est différent. Bien entendu il est théoriquement possible de le faire seul en partant de rien mais cela va demander un temps d’apprentissage important, vous ferez forcément plein d’erreurs et le temps global passé sur les travaux sera beaucoup plus long.

La logique est la même pour le patrimoine. Jusqu’à un certain niveau, on peut se contenter d’une base efficace et solide qui va pas chercher midi à 14h, on fait du all-in sur du MSCI world et on touche à rien (je caricature mais globalement c’est ça).
Quand il faut penser à intégrer plusieurs autres classes d’actifs qui sortent des classiques, il faut développer de nouvelles compétences d’analyse et pas mal de nouvelles connaissances. C’est donc forcément très chronophage.

Donc comme pour les travaux de la maison, autant dépenser un peu de temps dans la recherche d’un bon maître d’oeuvre (avec des garanties pour éviter les mauvaises prestations).
La réalité c’est que ce n’est pas qu’à partir de 5m€ que ça devient intéressant ou trop coûteux de vouloir sortir du schéma classique de « Jean-Michel DCA chasse aux frais ».
Historiquement oui, l’accès aux produits financiers et services qui font la différence était impensable en dessous de plusieurs M€, aujourd’hui non.

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Là où je rejoins un peu @TonyB c’est que ce ne sont pas des remarques qui s’excluent.

  • Rien n’empêche de s’autogérer sur une partie du PF et pas l’autre
  • Ce n’est pas parce qu’on a un gros patrimoine que le « Jean Michel DCA » n’est pas pertinent, surtout si l’architecture du patrimoine d’origine est simple : une résidence fiscale française, une RP française, de l’argent (investi ou non), une famille ordinaire.
    Dans la pratique, il est vrai que plus il y a de patrimoine plus la probabilité d’occurrence de sujets plus sophistiqués est importante : SCI, SC, démembrement, indivision, une ou plusieurs holding, des patrimoines trans-nationaux… sur lequel l’appel à un pro, un « maître d’oeuvre » quasi indispensable.
  • On peut très bien assumé de gérer une partie seul en attendant de s’estimer suffisamment compétent / informé pour pouvoir prendre les meilleures décisions. Tant pis si on a raté un pic de marché ou une opportunité, il y en aura d’autres.

Et comme toujours les mêmes questions de départ : quel est le projet, quelle est l’énergie qu’on souhaite y consacrer. Sur ce dernier point, il y a un biais important sur le forum lié au fait que si nous sommes là, c’est parce que ça nous intéresse.

Les CGP, ingénieurs patrimoniaux, banques privées, même fiscalistes ou expert-comptables, dans tous les cas, comme n’importe quel prestataire de service, comme ceux qu’on choisit dans nos entreprises, il faut un peu les challenger et pour se faire, c’est nettement mieux d’avoir un minimum de connaissance et d’éléments de comparaison. Se former et s’informer est donc un préalable indispensable pour prendre des décisions éclairées, même si en définitive, au bout de ce processus, celles-ci ne sont pas nécessairement de « cut the middlemen ».

Mon expérience (10-12 ans que j’ai un patrimoine important) est que si tu ne le fais pas, certains ont parfois tendance à te laisser un peu dans l’ignorance et a bien se garder de faire le travail nécessaire de pédagogie, même pas nécessairement à dessein, si tu poses les bonnes questions, ils sont souvent ravis d’avoir quelqu’un en face avec qui avoir une discussion éclairée.

EDIT : il y a aussi un biais chez les professionnels du patrimoine, ils vont parfois rajouter des couches de complexités inutiles, pas pour se rendre indispensable mais parce que c’est la manière dont ils fonctionnent. Biais que te retrouves bien sûr dans tous les métiers du monde car c’est inhérent sens qu’on donne à son métier.

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Merci à tous pour vos retours, ma réflexion progresse dans le bon sens !
Je trouve que le post explore parfaitement les questions que se pose un particulier sans grande expérience financière, qui possède un patrimoine de quelques 100k€ à quelques M€, qui plus est si celui-ci est arrivé d’un seul coup.

Depuis ma cession, je suis conseillé par un multi family office, que j’ai soigneusement sélectionné.
Je vous synthétise la philosophie de la relation que j’ai avec mon family officer.

Dès nos premiers échanges, il a certainement compris plusieurs choses :

  • Je souhaite m’éduquer financièrement et comprendre l’allocation que je mettrai en place
  • Pour l’instant, je suis attiré par beaucoup d’invest différents, avec des connaissances limités

De ce constat, il m’a fait comprendre (indirectement bien évidemment), quelques chose comme :
« Clément, fait tes recherches, imagine ton allocation cible, passes y autant d’heures que tu veux, croises les sources, et quand tu auras les bases d’une allocation simple, adapté à ton profil actuel, alors on pourra passer à la suite. »

Il pourrait lui-même m’enseigner tout ça, avec des honoraires en face (il facture uniquement au temps passé), mais de toute façon je n’adhèrerai complètement que si c’est l’expérience et les recherches personnels qui m’ont amené à cette conclusion.

Je pourrai ainsi plus facilement juger sur quelle part de mon patrimoine j’ai envie/besoin qu’il me conseil, tout ou partie.

Cela rejoint bien les propos de @Zootime :

Je vais donc pouvoir bientôt rendre ma copie à mon family officer, et il sera certainement « ravis d’avoir quelqu’un en face avec qui avoir une discussion éclairée », et moi aussi ! :wink:

Je reviens un peu sur le sujet initial du post, pour la partie « core » du portefeuille j’ai découvert ces produits de type « fonds à date cible » :
https://www.morningstar.com/portfolios/how-use-allocation-funds-portfolio

Ma question n’est pas forcément de débattre du fonctionnement de ce type de fonds (en gros c’est un Vanguard life strategy mais qui en plus sécurise automatiquement à l’approche de la retraite, le summum du lazy :smile:), chacun se fera son avis.

L’idée c’était plus de savoir ce que vous pensez de cette répartition action/oblig par rapport à une date cible ? Ca peut être une base de départ ?
Par exemple, à 15 ans de la retraite on est à 80/20, sans distinction du profil de risque de l’investisseur.

(J’en déduis donc @vincent.p qu’avec ton 60/40 tu es à 5 ans de la retraite, la chance :wink:)

Je pense que ce n’est pas le moment d’investir sur les obligations, je te laisse jeter un oeil au rendement des 10 dernières années qui est en constante baisse…
Avec un horizon aussi lointain que le tien et un patrimoine assez conséquent, il faut prendre un peu de risque à minima sur 10 ans.

Piloter son risque en fonction de l’échéance des projets est effectivement une bonne chose. En gros, tu regardes l’éventail raisonnable de valeurs que pourrait avoir ton patrimoine en fonction de sa volatilité (estimée) et tu ajustes le risque à la baisse si la probabilité de ne pas pouvoir financer le projet le jour J est trop élevée à ton goût. Tout cela en tenant compte de ce que tu estimes mettre de côté d’ici la date de réalisation du projet.

Voilà un article qui te donnera les grandes lignes pour y procéder. L’idée est d’estimer l’espérance de rendement et la volatilité du portefeuille et d’utiliser une approximation de loi normale pour les rendements et en déduire si c’est probable que ça passe avec ce portefeuille.

Savoir quel est le portefeuille optimal à cet horizon est une question différente ! Pour un niveau de risque donné, tu as plein de réponses possibles, toutes hautement sensibles à tes estimations d’espérance de rendement et de volatilité des classes d’actifs.

Typiquement, l’espérance de rendement des obligations passée n’est pas un bon indicateur de l’espérance de rendement future. Les obligations ont un côté plus mécanique que les actions, donc lorsqu’elles se sont pris un gadin historique, tu es certain que leur espérance de rendement sera meilleure. Tu peux l’estimer (en Investment Grade) en regardant tout bêtement le « Rendement à l’échéance » que tu trouveras sur tous les ETF ou fonds dignes de ce nom.

Inversement, l’espérance de rendement des actions est particulièrement morose en ce moment. La plupart des indicateurs qui ont montré une certaine valeur prédictive dans le passé font la gueule : Shiller CAPE Yield, Aggregate Investor Allocation to Equities, Tobin’s Q Ratio, Buffet Indicator… La liste est longue.

Je parierais plus sur un portefeuille diversifié entre classes d’actifs, plutôt autour de 50/50 que de 80/20 pour la décennie qui vient, quitte à mettre du levier dessus pour ajuster le niveau de risque. C’est d’ailleurs ce que je fais. :grin:

L’aversion au risque est un sujet différent, qui va dicter si on va diluer ce portefeuille diversifié avec du cash, ou au contraire le mettre sous amphétamines avec du levier.

En fait, j’ai déjà passé le seuil indépendance financière. J’ai donc à me poser la question du risque de séquence (contrairement au DCA pendant lequel les crashes aident), mais ça ne change pas le fait qu’un portefeuille moins concentré en actions est probablement une approche plus raisonnable de nos jours. J’allouerai un % différent de mon patrimoine à ce portefeuille, par rapport à un investisseur plus jeune mais on aura plus ou mois la même répartition, à quelques subtilités près telles que la facilité d’accès au crédit, les taxes, et autres considérations exposées par @TonyB

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Bonjour Clément,

Félicitations !
A 35 ans, c’est un beau succès d’avoir construit un tel patrimoine perso (j’imagine en partant de quasiment zéro).

Je ne répondrai sur un point.

  • L’immobilier est un peu en difficulté en ce moment
  • Tu n’as que 35 ans et l’immobilier ça se joue sur le temps long
    Donc j’aurais tendance à te dire que si tu en as encore la possibilité (si la banque te prête), continue à lancer des projets immobiliers (en direct) même en prépondérant ce secteur car il est bien plus facile d’acheter des actions que de l’immobilier.

Attention, je ne dis pas acheter de l’immobilier pour acheter de l’immobilier mais je dis faire de bonnes/très bonnes affaires, c’est à dire acheter bien en dessous du prix lorsque tu verras une occasion rare. Et c’est là où ta trésorerie rentre en jeu pour faire des achats cash. Puis demander le prêt à la banque après l’achat.
L’objectif serait de faire un cash flow neutre (voir petite perte ou petit gain) en incluant Taxe Foncière et après imposition. Et avec un apport pas trop important 10/15%.
Avec un emprunt sur 22 ans (2 ans de décalé), tu auras 58 (un an d’acquisition) ans lorsque tu auras remboursé tout le capital.

  • Cryptos: 15% de rendement c’est très possible et très probable mais il faut savoir se retirer en fin de bull run.
    Grosso modo, il faut viser plutôt 50% mais à un moment il faut se retirer complètement et relancer en fin de cycle baissier. Et ne pas faire du long terme.

  • Actions: Les marchés US sont au plus haut, même le CAC40 est relativement élevé. Mieux vaut attendre en repli.

Ensuite il y a plusieurs autres éléments à prendre en compte:

  • Ta capacité à rester en France
  • Ton niveau de risque
  • Tes objectifs famille (avoir 1 ou 2 autres enfants)

NB: Je ne suis pas spécialement un fan de l’immobilier, mais sur le temps long et de l’immobilier bien fait c’est quelque chose qui donnera des résultats.

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Suite à vos différentes remarques et encore quelques recherches j’ai pris le temps de revoir mon allocation cible qui a été largement simplifiée :

J’ai bien saisi la logique de la triplette PEA/AV/CTO, c’est à dire dans les grandes lignes :

  • PEA pour l’avantage fiscal imbattable
  • AV pour les rééquilibrages, l’avantage fiscal et successoral
  • CTO pour limiter les frais de gestion de l’AV avec un LifeStrategy

Ps : Je conserve l’hypothèse que mon portefeuille « Réserve » va être consommé en grande partie pour vivre dans les années à venir, en attendant de générer à nouveau des revenus entrepreneuriaux.

L’allocation ci-dessus pourrait encore être affinée mais avant que j’aille plus loin il y a tout de même une autre stratégie qui m’interpelle niveau enveloppe.

Prenons le scénario fictif suivant :

Nous sommes en 2025, je possède aujourd’hui 1M€ de patrimoine financier investissable.
Je déploie mes capitaux sur la triplette PEA/AV/CTO.
Durant 15 ans mon objectif est de capitaliser.
En 2040 mon patrimoine financier est devenu 3M€, donc avec 2M€ de plus value latente.
Yes, c’est le grand jour, fin de la période d’accumulation, il est temps de consommer ce capital !
Il me semble que dans une phase de consommation le crédit Lombard en AV Lux est particulièrement intéressant (j’exclus pour l’instant les autres formes de dette « consommable », je ne les maitrise pas assez).
En 2040 donc, je transfert mon patrimoine financier en AV Lux, et je consomme ensuite grâce à du Lombard pendant les 30 années suivantes (2070 = fin de vie).

=> Dans ce scénario, en 2040 lorsque je transfert mon patrimoine de PEA/AV/CTO vers AV Lux, je vais forcément passer par la case fiscalité, et ma plus value latente de 2M€ va prendre une grosse claque !
Je vais donc débuter ma phase de consommation avec un patrimoine amoindri de la fiscalité.

=> Dans un autre scénario, j’abandonne l’idée de la triplette PEA/AV/CTO, et j’investi mon patrimoine financier dès 2025 dans une AV Lux.
En 2040, lorsque je passe à la phase de consommation, il n’y aura pas de claque fiscale puisque je suis déjà en AV Lux, et les 2M€ de plus value latente restent … latente.
Je dispose donc d’une plus grande surface financière pour vivre de mon Lombard jusqu’à … 2070.

En résumé, mon raisonnement est-il cohérent ?
Si oui, il faut que je pose les calculs pour comparer les scénarios (frais supp. de l’AV Lux qui freine la capitalisation jusqu’en 2040 VS claque fiscale du transfert PEA/AV/CTO vers AV Lux en 2040) et en tenant compte également des avantages pratiques de l’AV Lux dès le départ (notamment accompagnement, une seule enveloppe, …)

Ou il y a des éléments qui m’échappent dans ma logique ?
C’est à dire, full enveloppe capitalisante et distribuante dès 2025 (AV Lux) afin d’être déjà optimisé pour 2040.

NB : Je grossi un peu le trait car dans les 2 scénarios je pense que le PEA peut garder sa place sur toute la période, disons que la comparaison se fait principalement entre AV/CTO vs AV Lux.

NBB : Je n’ai pas intégré la possibilité de levier pendant la phase de capitalisation sinon cela complique encore d’avantage la comparaison :upside_down_face:

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